(Français) Texte – Le Muvieri: objet de pouvoir Huichol

Texte – Le Muvieri: objet de pouvoir Huichol

LE MUVIERI: un objet de pouvoir Huichol

Le muvieri est sans doute l’un des objets spirituels les plus emblématiques de la culture wirarika. Il s’agit d’un objet de pouvoir pouvant à la fois servir d’offrande ou se prêter à des pratiques propitiatoires.

Il s’agit d’un bâton (d’environ 25 cm.) effilé à l’une de ses extrémités, dont plus de la moitié supérieure est couverte par un entrelacs de fils de coton, avec à son autre extrémité des plumes de la queue d’un aigle royal, d’un faucon ou d’un épervier, reliées par un fil de couleur. Insérées dans les fils entourant le bâton, des plumes, issues de la poitrine ou de la partie interne des ailes de ces animaux, sont ajoutées pour former une petite coupe. Les muvieri des sorciers en revanche seraient associés aux plumes de hibou.

TableauTatewari


Le muvieri est utilisé par les mara’akáme lors des cérémonies qu’ils pratiquent tout au long de l’année.

Il constitue le moyen de contacter les divinités et de recevoir par son intermédiaire leurs messages. Il lui permet aussi de soigner, de diriger son intention vers une personne ou un objet, de deviner le futur, ou encore contrecarrer les sorts jetés par les sorciers.

Les plumes des rapaces concentreraient certains pouvoirs en raison de la faculté de ses animaux à voler au-dessus du paysage et de ses habitants, leur procurant une vue d’ensemble assimilée à la connaissance, à la force et au courage ainsi qu’à la protection que cela apporte.

Muvieri1 Muvieri2

 

Son origine mythique serait liée aux divinités de la chasse, le cerf Paritzika et l’Aigle primordial, ce dernier considéré comme le gardien du lieu des morts (Werika Wimari).

Les flèches constituent un langage à la fois complexe et précis, à l’alphabet archaïque transmis par l’usage et s’adaptant aux évolutions et besoins de la société huichole. Leur fonction étant principalement celle d’un média entre les hommes et les dieux, ceux-ci sont déposés dans les lieux de cérémonies ou endroits sacrés, ou partie intégrante de la panoplie du mara’akáme jusqu’à ce qu’il s’en sépare pour des raisons multiples.

Le langage du muvieri s’enrichit de l’accroche de « messages », comme dans les exemples suivants:

• les tisseuses et brodeuses pour pouvoir bien vendre leurs produits, brodent un message en point de croix sur un petit tissu rectangulaire qu’elles attachent ensuite à la flèche.

• pour réussir à la chasse, on attache à la flèche une corde torsadée, faite du même matériau que celui des pièges pour le cerf.

• pour souhaiter devenir un musicien talentueux, il faut ajouter à la flèche un violon ou une guitare taillés en miniature.

• en attachant au bâton un cristal de quartz, représentant l’âme des défunts, on peut souhaiter aux parents décédés la paix du repos.

• les grandes plumes de rapaces comme l’épervier ou l’aigle préviennent des maladies.

• les plumes bleues de pie ou jaunes de perroquet pour espérer une bonne récolte.

• il est possible d’ajouter des étoiles à 4, 6 ou 8 branches, tissées avec du fil de coton blanc teint en bleu et jaune pour entrer en contact avec les divinités des points cardinaux et ceux de la Terre, du Soleil et de l’étoile du matin, suivant la forme et la conception de l’étoile.

• si l’on souhaite faire une offrande aux dieux, celle-ci peut être attachée à la flèche, comme une petite bourse contenant du tabac.

La légende veut qu’au tout début les Dieux disposaient de flèches, mais qu’ils n’arrivaient à tuer d’animaux. Le Grand Frère Cerf pensa qu’il s’agissait du matériel employé et prépara donc des flèches avec du roseau, mais en vain, il ne put que chasser un lapin. C’est alors que les dieux décidèrent de couvrir les flèches du sang du lapin chassé, ce qui fut plus efficace mais sans véritable satisfaction. Ils décidèrent de tuer un chevreuil et peignirent les flèches avec son sang. Ils purent ainsi tuer un grand cerf. De là, toutes les flèches cérémonielles furent couvertes du sang du cerf chassé, leur conférant la force de ce dernier. Depuis, cette pratique se perpétue.

Les mara’akate, quand ils sont initiés, doivent recevoir leur premier muvieri des mains d’un ancien, d’un autre mara’akame ou directement des dieux au travers de leurs rêves.

Le fragment de chant suivant provient d’une cérémonie de soin pratiquée par Don Agustín Montoya de la Cruz, un mara’akame de San Miguel Huaistita, dans l’état de Jalisco, en 1982. Il illustre parfaitement le dialogue que cherche à établir le praticien avec les dieux :

Flecha de Tatewari , flecha del conejo

clávate en el tigre, clávate aquí.

Así hablando nació la flecha

se quedó la flecha clavada

jadeante en la cruz

en todos lados,

comunicándose con sus tíos-Dioses.

Quedó clavado el mensaje

en el centro del fuego,

a la vez que la lluvia y el rayo

crearon la palabra.

Eso es su lluvia,

fueron entonces atrás del cerro,

al lugar mismo de la cacería.

La flecha contestó

la palabra de la lluvia

con su palabra. [.]

Todos se crearon a sí mismos, por la palabra.

Hablaron por medio de la flecha y de la lluvia,

y el mara’akame repitió lo que ellos dijeron.

Así es la revelación.[.]

Los Dioses hablaron por la pluma y por la flecha.

Con esta vela lo veré.

Que estén presentes. Que estén presentes.

Flèche de Tatewari, flèche du lapin

plante-toi dans le tigre, plante-toi ici.

C’est en parlant ainsi qu’est née la flèche

Et la flèche est restée plantée

haletante dans la croix

en tous lieux,

communiquant avec ses oncles-Dieux.

Le message est resté planté

au centre du feu,

en même temps que la pluie et la foudre

ont créé la parole.

Ceci est sa pluie,

ils sont alors allés derrière la montagne,

au lieu même de la chasse.

La flèche a restitué

la parole de la pluie

avec ses propres mots. [.]

Tous se sont créés eux-mêmes, par la parole.

Ils ont parlé au travers de la flèche et de la pluie,

et le mara’akame a répété ce qu’ils lui ont dit.

Ainsi fut la révélation. [.]

Les Dieux ont parlé par la plume et la flèche.

Avec cette bougie je le verrai.

Qu’ils se manifestent. Qu’ils soient présents.

Traduction libre de W. Wadoux

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