L’édition 2013 de l’expédition aquariophile organisée par Latitud Sur et le portail spécialisé Aquariomania.fr s’est déroulée en septembre dernier en Amazonie péruvienne. Après l’exploration du fleuve Napo en 2012 à la recherche des espèces endémiques de poissons, c’était cette année la rivière Nanay que nous avions décidé de passer au peigne fin, au cours de 2 croisières enchainées pour un total de 15 jours de navigation.Et pour couronner le tout c’était un double défi que les organisateurs devaient relever puisqu’il ne s’agissait pas d’un simple voyage pour passionnés de poissons ornementaux. En effet, attirés par l’exotisme d’un tel voyage et connaissant les conditions de vie précaires des populations locales, un groupe de 6 docteurs (un généraliste et cinq kinésithérapeutes) s’était lancé dans l’aventure avec la ferme intention d’apporter une aide médicale aux communautés indigènes visitées. Leur atout majeur, (c’était) Route 70’s, le groupe de rock qu’ils forment depuis 5 ans, et qui s’est souvent engagé dans des œuvres caritatives. L’idée a germé rapidement et les carabins rockeurs ont créé une association pour collecter des fonds et mener à bien leur projet : Humanorock, tournée musicale et humanitaire en Amazonie, était née. C’est l’idée originale d’Aquariomania, le dynamisme des participants, mais aussi l’implication de la marque de matériel médical K-Laser (pionnier dans la thérapie laser) qui ont rendu possible ce projet hybride alliant le Rock’n’Roll et la solidarité internationale.
A Iquitos, l’évènement était attendu car la mairie et la direction régionale du Tourisme nous avaient appuyés en mettant à notre disposition une scène sur la Place d’Armes, l’une des plus importantes de la ville, pour organiser le premier concert, 2 jours seulement après l’arrivée du groupe. L’information avait été diffusée par tracts, par la presse locale et grâce aux réseaux sociaux, et le soir du concert une foule enthousiaste se pressait tout autour de la scène. Il faut dire que les évènements culturels sont plutôt rares dans cette ville coupée du monde puisqu’elle ne dispose d’aucun accès routier. La venue d’un groupe de rock, étranger de surcroit, pour offrir un concert gratuit, c’était on ne peut plus flatteur pour les habitants qui se sentent souvent oubliés…
Le groupe fût acclamé après 3 heures de concert et pouvait alors embarquer dès le lendemain matin sur le Selva Viva pour participer à 8 jours de croisière sur le fleuve Nanay au côté des aquariophiles. Un second concert, avec des moyens techniques plus simples, fût organisé dans la communauté de Llanshama, pour le plus grand plaisir des villageois et surtout des enfants fascinés par cette visite surprise. Les médecins musiciens ont ensuite prodigué des soins lors de chaque étape, consacrant quelques heures par jours à ausculter les habitants des villages et à traiter tout type de pathologies : blessures bénignes, hernies, lumbagos, arthrite, infections gastriques dues à la consommation d’eau non-traitée, etc. La liste pourrait être interminable tant les besoins sont importants dans ces communautés isolées où voir un médecin est considéré comme un luxe. Inutile de dire donc que ces attentions médicales furent tout aussi appréciées que les notes de musiques. Entre 2 consultations, les médecins se sont adonnés à la pêche au Peacock Bass, un poisson réputé dans le monde entier car il donne beaucoup de fil à retordre aux pêcheurs sportifs de par sa combativité et sa puissance. Ils ont préféré la canne à moulinet à l’épuisette, arme de prédilection des aquariophiles pour capturer de petits spécimens. Il y eut aussi une distribution de matériel scolaire aux communautés de Lagunas et Pisco. La tournée s’acheva après 8 jours de navigation par un dernier concert à Iquitos. Le public était toujours aussi nombreux, car le bouche à oreille avait bien fonctionné. Nos rockeurs au grand cœur sont donc repartis en France enchantés par l’expérience, bien qu’un peu frustrés par le fait de n’avoir pas pu aider plus, tant les nécessités sont importantes. Ils ont vivement manifesté leur intention de revenir et pourquoi pas d’organiser en 2014 un évènement d’une plus grande ampleur avec l’appui de Latitud Sur.
A peine après avoir débarqué les rockeurs, le Selva Viva accueillait alors la deuxième partie du groupe aquariophile pour 8 jours d’exploration supplémentaires. Membres de divers clubs français et venus de tous horizons, ces téméraires explorateurs étaient réunis par la même passion : l’ichtyologie (l’étude des poissons). Et gare à celui qui osera les traiter « d’agités du bocal » car ces passionnés se réfèrent plutôt à des bacs de milliers de litres et des « fish rooms », c’est-à-dire une pièce de leur maison entièrement dédiée aux aquariums. Leur objectif : observer les petits poissons multicolores qu’ils chouchoutent en France toute l’année dans leur habitat naturel, les cours d’eau d’Amazonie… Et ils furent servis !
L’administrateur du Selva Viva, Philippe Gras est lui-même un passionné de poissons ornementaux, membre du cercle aquariophile jurassien et volontaire pour Latitud Sur depuis un an déjà. Autant dire que lors de ce genre de croisière il se sent comme… un poisson dans l’eau (pardonnez ce jeu de mot facile) et devient le guide idéal pour un groupe partageant son hobby. Il aime passer son temps libre à explorer les mares et les petits ruisseaux d’eau claire de la région du Loreto, à établir des contacts avec des villageois connaisseurs et rêve en secret de découvrir une nouvelle espèce. Le groupe a donc beaucoup apprécié ses connaissances et ses choix d’excursions pour débusquer toutes sortes de poissons. Il a parfois fallu faire de longues marches à travers la jungle pour dénicher des ruisseaux et des bras morts propices à la pêche à l’épuisette, quelques sessions décevantes à cause du niveau d’eau exceptionnellement haut pour la saison, des nuits sans fermer l’oeil auprès des pêcheurs locaux sans certitude du résultat, mais le jeu en aura valu la chandelle. Nos passionnés auront pu prélever de nombreux spécimens : apistogrammas, lébiasinidés, loricaridés, characidés, carnegiellas, corydoras, tatias ou mastacembelus… Chaque capture les a émerveillés car la pêche est bien plus délicate qu’il n’y parait, et le retour au bateau se célébrait par une session d’identification et de photos dans l’aquarium, car l’aquariophilie c’est avant tout une question de rigueur. Connaitre les biotopes dans lesquels évoluent les poissons est un atout important pour tout collectionneur qui se respecte : la végétation, le PH de l’eau, le type de sol sont autant d’éléments qu’il faut prendre en compte pour recréer les conditions optimales pour la reproduction.
La cerise sur le gâteau pour nos baroudeurs aura tout de même été la découverte de superbes cichlides : de très beaux scalaires (poisson ange) et surtout des discus, le saint Graal de l’aquariophile. Il aura fallu s’armer de patience puisque c’est après plusieurs nuits de pêches acharnés (sans lune, car le discus observe les ombres à la surface et se montre très méfiant) sur de nombreux spots que notre groupe aura dégotté les premiers spécimens. La technique du barbasco utilisée par les villageois, certes critiquable car elle consiste à répandre à la surface de l’eau un poison d’origine végétale qui fait des ravages s’il est utilisé en grande quantité, aura porté ses fruits. Le poison semble être inoffensif pour cette variété de poissons mais permet de les capturer facilement. Le sujet aura cependant animé les conversations et permis de faire prendre conscience de l’importance de surveiller l’accès des innombrables lagunes que forme le fleuve pour mieux les préserver, initiative que les villageois prennent de plus en plus souvent.
Le bateau est rentré à quai après 15 jours de navigation sans incidents sur le paisible Nanay, et les aventuriers passionnés l’ont quitté satisfaits, en remerciant l’équipage pour son dévouement et son chaleureux sens de l’accueil. Ils ont ensuite passé 3 jours supplémentaires à Iquitos pour faire quelques derniers achats et rendre visite aux exportateurs de poissons ornementaux qui leur ont prodigués de précieux conseils pour prendre soin de leurs aquariums en France.
Ce fût une expédition instructive à tout point de vue et une nouvelle fois l’occasion de découvrir les richesses de la faune et de la flore de l’Amazonie péruvienne tout en multipliant les échanges avec les populations dont la vie est rythmée par le fleuve et la forêt.
Merci à Patrick Harant d’Aquariomania, à Lionel Clémencin, PDG de K-Laser, à tous ceux qui ont soutenu le groupe Route 70’s et surtout à tous les participants sans qui ce voyage n’aurait jamais pu se réaliser.
Bruno Rossignol,
Responsable Tourisme Solidaire de l’ONG Latitud Sur.