Texte – Le mal des forêts

Texte – Le mal des forêts

Aussi limpide qu’il puisse paraître, le mal des forêts – la déforestation – revêt des réalités bien plus complexes. On est bien loin du colon qui vient arracher l’arbre de l’Indien. Quelles sont ses causes ? Quels sont ses mécanismes ?

Exploitation du bois, conversion des forêts en terres agricoles, extraction d’hydrocarbures… Autant de maux qui réduisent jour après jour la superficie forestière mondiale. Devant l’ampleur de la tâche, Latitud Sur s’engage en Equateur et au Pérou à travers, entre autres sur ce sujet, le programme Zéro Déforestation.

Quid des causes ?

La déforestation est essentiellement due à la conversion en terres agricoles de culture et de pâturage, induite par l’explosion démographique et la recherche de productivité agricole. Le bois coupé vient le plus souvent alimenter le marché occidental en essences tropicales pour meubles de jardin.

Les paysans et les colons n’ont guère d’autre moyen pour subvenir à leurs besoins, maintenant assujettis aux diktats de la modernité. Ils ont depuis longtemps troqué une vision à long terme (rien ne prouve qu’ils en aient eu une, mais que leur environnement les amenait à cela pour des raisons de survie) de préservation de la forêt contre une vision à court terme de rentabilité financière.

L’exploitation de la forêt est aussi liée à l'exploitation minière de l'or et du cuivre, à la construction de voies ferrées, d'autoroutes, d'énormes barrages hydro-électriques s’accompagnant de fait d'immenses réservoirs artificiels. Enfin, à tout cela s’ajoute l’exploitation du pétrole et les routes et oléoducs qui l’accompagnent, ainsi que l’occupation militaire et le tourisme non durable.

L’approvisionnement pour le bois de chauffage ou de cuisson est à la dernière place de ces menaces.

Mais là où la population rurale se contente de brindilles ou de bois mort en guise de combustibles, les utilisateurs commerciaux abattent l’arbre entier, ce qui montre la différence d’impact sur l’environnement entre une exploitation traditionnelle et une exploitation industrielle massive.

Quid des conséquences ?

Conséquence : la forêt disparaît et ne peut se régénérer à l’identique. En Amazonie par exemple, un jeune arbre ne peut pousser naturellement que sur le cadavre d’un arbre mort tant le sol est pauvre, acide et fragile. Il faudra donc attendre au mieux quelques centaines d’années pour espérer voir les forêts s’épanouir à nouveau. Et ce ne sont pas les plantations uniformes d'espèces à croissance rapide, du type eucalyptus (pas en Amazonie, peut-être les palmiers à huile), qui redonneront vigueur aux massifs.

Les implications de ce constat sont désastreuses :

– Sur le climat : déforestation = 12 à 18% des émissions de gaz à effet de serre[1] = augmentation du réchauffement climatique. L’équation est simple. A travers des mécanismes tels que la réduction des puits de carbone, la déforestation est la principale cause du réchauffement climatique.

– Sur les sols: les forêts stabilisent les sols (racines des arbres), les rendent fertiles et amputent le potentiel de production des terres. Elles contribuent à lutter contre l’érosion des sols (voir sur cette question le site du programme Zéro Déforestation).

– Sur la biodiversité : les forêts contiennent près de 80% de la biodiversité des Terres émergées, dont près de 70% en Amazonie. Détruire les forêts, c’est sciemment nuire au vivant, amputer notre monde de sa richesse première : la vie et des perspectives qu’elle offre en nouveaux médicaments et autres ressources naturelles.

– Sur la santé des hommes : des recherches menées en Guyane française ont démontré que la déforestation accentuait le paludisme.

La liste n’est pas exhaustive… Vous trouverez un complément à ce développement sur le site dédié au programme Zéro Déforestation.

Une lueur dans la nuit…

Malgré ces constatations, tout n’est pas « Or Noir » en Amazonie. Ainsi, l’exemple du parc Yasuni a suffisamment défrayé la chronique pour se poser en modèle du genre. L’été dernier le gouvernement équatorien se proposait de renoncer à l’exploitation de 850 millions de barils de pétrole présents dans le sous-sol du parc. Pour compenser cette perte, alors évaluée à plus de 7 milliards d’euros, Quito a créé un fond destiné à accueillir des dons de la communauté internationale, avec comme objectif sur dix ans de couvrir à hauteur de la moitié de ce qu’aurait rapporté l’exploitation de l’hydrocarbure : on est en plein mécanisme de déforestation évitée.

L’histoire est belle, mais reste trop marginale. Ne nous y trompons pas. Victimes de leur succès, les forêts vont toujours mal. Elles ont déjà connu pire mais leur salut semble encore bien loin. On arrache du sol à l’heure actuelle 13 millions d’hectares de surface boisée chaque année, en Indonésie, au Congo, au Brésil pour ne citer que les plus symptomatiques. En réponse, la communauté internationale se concentre sur ces géants. Mais d’autres territoires subissent les fougues des déforesteurs. En Equateur, près 2% de la superficie forestière du pays disparaît chaque année. Toutes proportions gardées, c’est quatre fois plus qu’au Brésil et plus de quinze fois le seuil mondial de déforestation. Dans son action, Latitud Sur montre qu’en termes de déforestation, il n’y a pas de petite cause.

Florian Kunckler – Octobre 2011

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Pour info :

États-Unis – L’équipe du Dr Patz de l’université du Wisconsin montre que la destruction progressive de la forêt amazonienne fait s’accroître le nombre de cas de paludisme.

Dans les années 1990, le nombre de cas de paludisme au Pérou n’a fait que croître et les chercheurs pensent que la destruction de la forêt amazonienne en serait la cause. En 1997, près d’un tiers des habitants de la région amazonienne du Pérou ont souffert de cette infection parasitaire transmise par certains moustiques.

La première hypothèse de transmission était celle de la migration d’habitants infectés dans cette région. Mais une étude de 2006 a montré que les moustiques vecteurs du parasite appréciaient les zones déforestées. L’équipe du Dr Patz a collecté plus de 5 500 échantillons d’eau courante ou stagnante le long de routes nouvelles, tracées après la déforestation.

Les larves du moustique Anopheles darlingui sont en fait plus présentes dans les zones déforestées que dans les zones peu touchées et dans la forêt. Sans pour autant connaître les mécanismes écologiques du phénomène, les chercheurs concluent que la destruction de la forêt contribue à la progression du paludisme. Ainsi soigner la maladie passerait par une meilleure prise en compte de la gestion de l’environnement.

Source : site de Maxisciences

[1] CARAMEL Laurence, in Le Monde, Mauvais génie de la forêt, Paris, édition du 8 avril 2011, P. 3.

 

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