Texte – Le mécanisme REDD+
Issu des dernières rencontres internationales sur l’état de la planète, le mécanisme REDD, Reducing emissions from deforestation and forest degradation, (maintenant REDD+ depuis qu’il prend en compte l’augmentation des stocks de carbone), est piloté par l’ONU et a vocation à lutter contre le réchauffement climatique.
Le constat était simple : 12 à 18% des gaz à effet de serre à l’origine du phénomène de réchauffement climatique proviennent de la déforestation[1]. Entre parenthèse, c’est ce phénomène qui permet à l’Indonésie d’occuper la troisième marche du podium des nations les plus polluantes, talonnée de peu par le Brésil (quatrième). L’équation n’en était pas plus complexe : réduire la déforestation = réduire les émissions de gaz à effet de serre = sauver la planète. Le ton est sciemment vulgarisateur mais l’enjeu n’en demeure pas moins. D’autant que si l’on se préserve du réchauffement climatique en protégeant nos forêts, on préserve par la même occasion la biodiversité ainsi que les populations vivant des produits de la forêt.
Dès lors, sur la même logique que le marché du carbone, le bâton a été remplacé par la carotte. Autrement dit, au lieu de taper sur les doigts des déforesteurs, on a préféré leur donner un intérêt à agir en faveur des forêts. « Il est attractif pour les pays développés, qui estiment qu’il leur coûtera moins cher que d’autres réductions d’émissions, et pour les pays en développement, qui y voient un apport considérable à leur développement économique», résume l’universitaire Irène Mangion.
Quid des acteurs ?
D’un côté les pays les plus riches, la Norvège et le Danemark comptent parmi les principaux donateurs. De l’autre initialement neuf pays en développement, quinze aujourd’hui, comptant sur leur sol une grande superficie forestière (République Démocratique du Congo, Indonésie, Bolivie,…). Ils auraient touché à ce jour la somme de 75,9 millions de dollars, selon le dernier rapport de l’ONU. Cette somme, jugée par certains observateurs comme bien trop modeste, n’est qu’un aspect des critiques que l’on impute au programme.
Système idéal ?
A la liste de ces difficultés, on trouve la non-concrétisation des accords bilatéraux entre pays, l’exclusion à la table des négociations des petites organisations, pourtant meilleures connaisseuses des situations locales, un ensemble de critiques l'accusant de favoriser une conception d'un « capitalisme vert » qui serait incapable de répondre aux défis du XXIe siècle et les effets pervers concernant la protection des peuples autochtones. « Le système REDD n’avantagera pas les peuples autochtones ; en fait, il provoquera de plus nombreuses violations des droits de ces peuples, il nous volera notre terre, il provoquera des déplacements forcés, il empêchera l’accès et mettra en péril les méthodes agricoles indigènes, il détruira la diversité biologique et la diversité culturelle et provoquera des conflits sociaux. Grâce à ce système, les États et les négociants en carbone auront davantage de pouvoir sur nos forêts », déclarait sur ce dernier registre le Forum international des peuples autochtones sur le changement climatique. Un rapport d’experts mondiaux (Global Forest Expert Panel on International Forest Regime) a présenté début 2011 ces mêmes difficultés à la communauté internationale dans le cadre du lancement l’Année mondiale des forêts.
Et l’Equateur dans tout ça ?
« Le programme ONU-REDD a entrepris une mission de prospection conjointe en Équateur avec la coopération allemande au développement, qui a abouti à la révision des efforts de REDD+ de l’Équateur et l’identification des domaines qui bénéficieront à l’avenir du soutien du Programme ONU-REDD. Depuis lors, l’Équateur a mené plusieurs consultations multipartites et achevé une série d’études. Le pays a également continué de mettre en œuvre le programme “Socio Bosque” (lien vers texte App 9) et de tester les paiements REDD+ et les systèmes de partage des avantages », présentait en juillet dernier un rapport de l’ONU.
Bientôt parmi les heureux élus ? Pas si sûr, car il n’y a pas consensus autour du mécanisme dans le pays andin. La Confédération des nationalités indigènes de l’Amazonie équatorienne refusait en 2009 toute négociation autour du REDD car, selon elle, « toute politique ou activité extractive ou de négociation sur les forêts et la diversité biologique dans nos territoires ancestraux aura des implications inimaginables, dont l’extinction de l’identité des Nations ancestrales et la perte du contrôle et de la gestion de nos territoires qui seront gérés par l’État, par des pays étrangers, par des entreprises transnationales, par des négociateurs de REDD ou par des commerçants en carbone. Le tout apportera une misère, une famine et une pauvreté extrême jamais vues auparavant, comme il arrive aujourd’hui à nos frères indigènes de l’Amazonie septentrionale de l’Équateur en raison d’intérêts géopolitiques, économiques et commerciaux. »
Florian Kunckler – Octobre 2011
[1] CARAMEL Laurence, in Le Monde, Mauvais génie de la forêt, Paris, édition du 8 avril 2011, P. 3.
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